Permettez qu’un vétéran égaré, flanqué de lucidité et d'amertume, vous adresse ces quelques lignes, en espoir non d'un sursaut, mais d'une résonance. J’ai arpenté les terres souffrantes de Tchernobyl plus d’heures que n’en demandent les songes d’un dormeur honnête, et je me permets de confier ici les stigmates d’un jugement nourri à l’expérience.

Vos mutants, parés de chairs purulentes et d’une férocité qui n’a rien d’animal, sont devenus de simples éponges à ogives, insensibles à la logique même du métal. Une chimère encaisse sans frémir une charge de RPG-7, là où l’on attendrait l’éclatement organique, la dislocation instantanée. Le sanglier, grotesque rejeton de la souille post-atomique, résiste à plusieurs charges de calibre 12/76 sans broncher, comme si sa peau tenait du blindage lourd.

Un Kriss Vector, frêle chimère de polymères chambrée en .45 ACP, y serait plus redouté qu’un AK-74 — pourtant serviteur loyal et éprouvé des guerres d'hommes. Quelle ironie, que ce dernier, vénérable descendant d'une lignée de feu, se voie relégué au rang de jouet par une volonté de "progression" plus inspirée d'arbitraire ludique que de vraisemblance balistique. L'AK-74 et le HK416, armes de guerre véritables, devraient se trouver dans la même cour — et non être disjoints par quelque grille absurde de puissance.

Les fusils à pompe ? Ces nobles bêtes, dont le souffle arrache les portes et les sternums ? Réduits à un murmure dans le vent irradié. Le Remington ne parle plus la langue de la mort. Il gazouille comme une caille, même contre les créatures de chair molle.

Je ne vous reproche point l'imaginaire. Que serait S.T.A.L.K.E.R. sans sa poésie de la ruine et ses créatures jaillies d’un cauchemar slavon ? Mais j’ose vous rappeler que vos ogives ne sont point des artefacts mystiques. Elles obéissent à des lois anciennes, non de légendes ou d’écritures oubliées, mais de science : la balistique, la dynamique des matériaux, l'énergie cinétique. Ces lois-là, vous les avez foulées sur l’autel de la sacro-sainte "optimisation".

Et ces soins ! Cette farce ! On ne survit plus, on subsiste tel un toxicomane dont le corps tiendrait davantage de la passoire que de l’organisme, à force d'injections frénétiques. L’hémorragie, omniprésente et perverse, s’infiltre même sous les plaques d’armures lourdes, comme si le kevlar transpirait l’inefficacité. L'on se trouve ainsi réduit à une marionnette de tôle et de gaze, dans une pantomime grotesque de la survie.

Je ne puis taire enfin l'absurdité de votre économie : contraint de porter des sacs d’accessoires, non pour réparer, mais pour les équiper sur des armes devenues jetables — puisque leur restauration nécessite le concours exclusif du technicien, et que les incidents de tir pleuvent après quelques chargeurs, sans la moindre surchauffe, comme si l’acier lui-même n’était plus qu’un papier mâché.

Et que dire des cartouches perforantes ou à longue portée, qui, en mode Vétéran, consument les armes plus vite que le feu d’un volcan ? Et qui, dans les autres difficultés, s’avèrent anecdotiques, voire inutiles. Quel équilibre peut-on espérer quand la durabilité fond plus vite que l’honneur sous la pluie ?

Quant à la vision — ô lumière cruelle ! — où sont donc passées les optiques dignes de ce nom ? Les lunettes de vision nocturne, les jumelles tactiques, tout ce que l’obscurité exige ? Leur absence pèse autant que celle de la balistique terminale, cette science oubliée qui faisait jadis tomber un être d’un seul tir bien placé. La lampe torche du joueur condamne à jouer l’écran brûlé ou à errer dans les ténèbres, car si l’on ne monte pas le gamma, c’est l’immersion qui se meurt ; et si on l’augmente, c’est la furtivité qui s’évanouit. Rien ne permet de rester discret, même accroupi, silencieux et éteint — comme si l’ombre elle-même criait notre présence.

Enfin, l’expérience ludique elle-même souffre de cette dichotomie : hormis la quête principale, l’on se voit contraint de mendier son équipement par des quêtes secondaires rares, sans ampleur ni intérêt, dont la lecture évoque davantage une note griffonnée qu’un récit. On marche longtemps, très longtemps, souvent pour simplement rejoindre un technicien. En chemin ? Le néant. Quelques décors superbes, certes, mais vidés de toute interaction. Et dès qu’un rayon perce l’horizon, surgissent, vomis par les entrailles d’un moteur trop visible, des ennemis par grappes — hors-sujet, excessifs, brisant chaque instant de grâce d’un lever de soleil.

Pour un accès anticipé, le prix exigé est exorbitant. Le dévouement des joueurs ne devrait point être monnayé à la hauteur d’un jeu achevé, surtout lorsque tant de mécaniques fondamentales chancellent.

Considérez ceci non comme un pamphlet, mais comme l’écho d’un chant ancien. Ramenez la Zone à ses lois. Laissez les armes parler leur langue. Que le calibre 12 soit de nouveau tonnerre. Que le 5.45 perce comme il le doit. Et qu’un monstre, fût-il né d’un rêve rouge, tombe à genoux s’il reçoit la mort dans l’œil.